Qui ?
Athan Stephanopoulos, Président de NowThis (en photo), Haris Alisic, Producer Social Engagement d'AJ+, Tom Grinsted, Head of Production du Guardian et Josh Quittner, Editorial Director de Flipboard, interrogés par Frédéric Filloux, auteur de la Monday Note.
Quoi ?
Un débat animé, lors de VivaTechnology, sur les relations compliquées entre Facebook et les médias.
Comment ?
Fin juin, Facebook a annoncé une modification importante de son algorithme, afin de donner davantage de place aux informations postées par les amis et la famille, au détriment, donc, des marques et des médias. Une claque pour un média comme NowThis, qui depuis début 2015 a fermé son site et ses applications pour se concentrer uniquement sur les réseaux sociaux ? Pas vraiment, à en croire son président : "Ce changement n'a rien de vraiment nouveau pour les éditeurs. Facebook modifie en permanence ses algorithmes, souvent bien avant de l'annoncer publiquement."
Même discours pour Haris Alisic, d'AJ+, la version "millenial" d'Al Jazeera, lancée en 2014 : "Il y a deux-trois ans, on aurait parlé des changements d’algorithmes de Google dans le search, les éditeurs y sont habitués. Surtout, il y a quelques mois , une étude a montré que les utilisateurs de Facebook postaient de moins en moins de contenus personnels : c'est un risque pour la plateforme et Facebook devait réagir. C'est une question de survie."
Pour autant, les éditeurs doivent-ils vraiment confier une part si importante de leur audience à une plateforme sur laquelle ils n'ont aucun contrôle ? Pour NowThis, par exemple, Facebook représente 75% des 2,2 milliards de vidéos vues mensuelles de la marque. "Je sais que c'est une décision difficile à prendre pour un éditeur, notamment ceux qui ont une activité traditionnelle, mais en réalité, nous avons des liens très forts avec Facebook. Nous sommes optimistes sur le fait que la plateforme va continuer à valoriser nos contenus, car les gens de Facebook comprennent leur écosystème et savent qu'ils ont besoin de nous."
Haris Alisic est plus nuancé : "Tous les éditeurs qui sont sur Facebook ont choisi d'y aller : on y est pour de bonnes raisons, personne ne nous y force. Pour le moment, les intérêts de Facebook et des éditeurs sont alignés, on essaye tous de maximiser la plateforme." Mais il garde aussi en tête le précédent de la baisse du reach, quand les marques et les médias ont dû payer pour continuer à toucher les fans qu'ils avaient "achetés".
Tom Grinsted, du Guardian, complète : "Ce serait stupide de ne pas mettre nos contenus en face d'une telle audience". La présence du quotidien britannique sur Facebook Instant Articles est la suite logique de la stratégie numérique du titre, basée sur l'expérimentation. L'accord passé avec Facebook permet au Guardian de toucher une partie des revenus publicitaires.
La monétisation est l'autre sujet qui fâche : si AJ+ ne génère pas (encore) de revenus publicitaires, NowThis mise sur le contenu sponsorisé. "C'est un modèle très similaire à celui de Buzzfeed, mais avec un produit très différent." Les clients de NowThis achètent des packages d'une dizaine de vidéos, avec un volume de vues garanti - une partie du budget revient donc à Facebook, par l'achat de vues. "N'imaginez pas que Facebook reste dans sa tour d'ivoire : ils travaillent beaucoup avec les éditeurs, pour nous inciter à produire des vidéos de qualité. Ils savent qu'il y a un marché publicitaire à prendre face à Youtube."
Haris Alisic confirme : "Nous avons des accords avec Facebook, nous participons notamment à un test sur les vidéos suggérées, avec un tout petit nombre d'éditeurs. Mais on ne travaille pas qu'avec Facebook : nous sommes aussi proches de Twitter et Youtube. Il ne faut pas oublier que Facebook n'est pas le web." Pour tous, l'avenir est donc à la diversification, en renforçant leur présence sur Twitter, Youtube et Snapchat.
Dans cet élan d'optimisme, seul Josh Quittner - le seul qui ne soit pas lié par des accords avec Facebook - adopte un son de cloche différent. "Tout cela, c'est du business : Facebook ne s'intéresse pas aux médias parce qu'il considère que sa mission est d'apporter l'information au monde. Il s'y intéresse parce qu'il pense que dans quelques années, les médias paieront pour avoir du trafic."
Benoit Zante