Qui ?
Jay Stevens, vice-président et directeur général international de The Rubicon Project.
Quoi ?
Une interview dans les bureaux londoniens du groupe sur les perspectives du RTB et des ad exchange. Une surprise : la France fait partie des marchés les plus avancés sur le sujet.
Comment ?
- Quelles sont les particularités du marché Français ?
Dans le domaine des ad exchange, la France est un modèle : le marché est plus petit qu'en Grande-Bretagne, mais très en avance. C'est l'héritage d'une longue tradition chez les éditeurs français, qui ont depuis longtemps l'habitude de travailler avec des ad networks. Les initiatives des éditeurs comme La Place Média [opérée par The Rubicon Project] ou Audience Square ont bien fait avancer le marché. Elles sont désormais copiées à travers le monde, comme au Danemark, où trois grandes régies se sont alliées en février dernier. Au lancement, elles touchaient 45% de la population du pays, un chiffre qui a depuis augmenté grâce à l'intégration de nouveaux partenaires. Mais la clé du succès n'est pas d'agréger tout l'inventaire au sein de la même plateforme : l'agrégation permet de gagner en efficacité, mais ne crée pas de valeur additionnelle. Pour cela, il faut mettre à profit toutes les data disponibles.
- Quelles sont les évolutions que vous observez dans le monde sur le RTB et les ad exchange ?
Les Pays-Bas est de très loin le marché le plus avancé du monde. Il faut regarder ce qu'il s'y passe pour avoir une vision du futur : ils ont 12 à 18 mois d'avance sur la France et la Grande-Bretagne. C'est un petit marché où les éditeurs ont compris qu'ils étaient obligés d'évoluer pour survivre. De Telegraaf, par exemple, est vraiment en pointe. La régie intègre déjà une dizaine de personnes dédiées au RTB. Ce ne sont pas des commerciaux, mais des spécialistes des data. Trois d'entre eux se consacrent au yield management et à l'analyse de tous les bids émis, pour optimiser l'offre quotidiennement. En Grande-Bretagne, The Guardian a aussi une équipe de cinq ou six personnes dédiées à ces sujets. Les commerciaux ne disparaissent pas, mais leur métier évolue, vers un rôle plus stratégique. Cela signifie qu'ils font un travail beaucoup moins répétitif et bien plus créatif.
- Le RTB reste encore associé à la performance : les annonceurs qui sont dans des logiques de notoriété et d'image se laissent-ils séduire par les ad exchange ?
Les éditeurs proposent de plus en plus d'inventaires et de formats premium, des habillages, du rich media, etc. En parallèle, les marques poussent les régies à en proposer encore plus. L'expansion des places de marché privées, qui donnent à certains annonceurs la priorité sur certains inventaires, accélère le phénomène : maintenant, les supports connaissent les noms des annonceurs sur les plate-formes RTB. Quand Vivaki UK réalise 30% de son activité digitale sur les places de marché privées pour le compte de grandes marques, annonceurs et agences commencent à regarder les ad exchange différemment. De même pour les éditeurs.
- En France, de plus en plus d'annonceurs se plaignent du manque de transparence des agences média sur les ad exchange, dans un contexte où la loi Sapin est difficilement applicable. Qu'en pensez-vous ?
Nous fournissons déjà beaucoup d'informations aux éditeurs pour les aider à optimiser leurs offres : nous connaissons les prix payés par tous les annonceurs sur notre plate-forme, nous savons faire le lien entre les trading desks et les client finaux. Nous pourrions très facilement aider les agences à respecter la loi Sapin, en apportant plus de transparence. Par exemple, nous pourrions éditer un rapport destiné à chaque annonceur indiquant combien il a investi chez chaque éditeur utilisant notre plateforme. Toutefois, ce n'est pas encore une demande des trading desk et des agences. Et puis, nous ne connaissons tout simplement pas les contacts à qui adresser un tel rapport chez les annonceurs. Mais tout cela ne devrait pas tarder à changer.
Propos recueillis par Benoit Zante