Qui ?
Vivien Lewit, directrice des partenariats musicaux de Youtube et les équipes de Youtube UK et US, venues en force à Cannes pour draguer le monde de la musique, réuni à l'occasion du Midem.
Quoi ?
Les ambiguïtés de Youtube sur le marché de la musique, que n'ont pas manqué de relever les participants du Midem.
Comment ?
Très présent pendant les quatre jours du Midem, Youtube avait sorti les grands moyens pour montrer son intérêt pour le monde de la musique. Objectif affiché : convaincre artistes et labels de mettre en ligne leurs clips et de produire du contenu spécifique pour la plateforme. L'enjeu est de taille : 38,4% des vues de Youtube sont générées par des contenus musicaux. Dans la conférence "Amplify your artists' success on Youtube", pas moins de quatre intervenants (deux de Youtube USA, un de Google UK, un de Youtube UK) venaient présenter les bonnes pratiques pour se faire une place sur le réseau. Bis repetita trois jours plus tard, lors de "Building a loyal and engaged audience on Youtube". Les partenaires étaient aussi impliqués dans cette opération séduction, avec Vevo et les différents MCN (agrégateurs de chaînes Youtube), Tunezy, Base79 et Collective Digital Studio.
Parmi les grandes leçons de Youtube : produire du contenu exclusif et "backstage", ajouter les paroles de ses chansons à la description des vidéos, remplir les metadata et ne pas oublier de mettre un lien vers la vente de son album ou la billetterie de son prochain concert. Vivien Lewit, directrice des partenariats musicaux de Youtube, va même plus loin : "pour tous les artistes, que vous soyez indépendant ou non, vous devez être sur Youtube. Si votre musique n'est pas là, si vos vidéos ne sont pas là, vous laissez passer le train." Youtube s'est imposé comme le carrefour de la musique, le lieu où les artistes peuvent gagner en visibilité, créer une relation avec leur fans et vendre in fine plus de titres ou de places de concerts.
Avec son offensive charme au MIDEM, la plateforme vidéo de Google entend avant tout servir ses intérêts : développer son inventaire de qualité (comprendre monétisable par la publicité) et générer des vues avec du contenu populaire. Youtube est ainsi devenu la première plateforme de streaming musical, devant les spécialistes Deezer et Spotify, remarque Marine Elgrichi, responsable de la communication de Spotify en Europe. Youtube reverserait 3$ pour 1000 écoutes, là où Spotify annonce verser plus du double. "La différence, c'est que Youtube est encore considéré par les artistes comme un canal de promotion et non de rémunération."
Vivien Lewit se défend : "nous générons des dizaines et des dizaines de millions de dollars chaque année pour l'industrie musicale, une source de revenu qui n'existait pas il y a quelques années." Pas assez aux goûts des participants du Midem. A un producteur turc qui s'inquiète de la faible rémunération de ses contenus (des émissions musicales de plusieurs heures), elle conseille de tester les chaînes payantes, expérimentées aux Etats-Unis depuis quelques mois.
Tom Pickett, VP Youtube Content, qui intervenait dans le panel "Fueled by video success" a aussi fait les frais de la grogne latente. Un spectateur lui demande comment Youtube peut se montrer aussi strict avec les artistes qui achètent des vues, et aussi laxiste avec les nombreux sites qui permettent d’extraire les bandes-sons des vidéos pour en faire des MP3, très bien référencés sur Google. Réponse embarrassée : "Google Search reflète ce qui existe sur le web." Un autre spectateur réagit plus violemment encore : "C'est peut être le dernier Midem, et c'est à cause de vous : vous ne faites rien pour empêcher les gens de de pirater notre musique." Geoff Taylor, représente l'industrie musicale britannique : "On ne comprend pas pourquoi Google et Youtube mettent autant de temps à réagir. Nous avons envoyé 50 millions de demandes à Google l'année dernière pour désindexer la musique illégale présente sur Google Search. Malgré tout, ces sites apparaissent encore en tête des résultats de recherche."
Horst Weidenueller du label indépendant !K7 Records s'est lui aussi montré particulièrement inquiet du poids croissant de Youtube dans la musique : "pour Youtube, tout est question de domination. Et la domination est connectée à la destruction." Même discours chez Colin Daniels, du label indépendant Inertia : "les gens chez Google ne viennent pas de la musique, cela m'effraie." Dans ce contexte tendu, Marc Geiger, Global Head of Digital and Music de l'agence de talent WME a tenu un discours volontariste. "Sergey Brin n'a pas grandi dans l'industrie musicale. Pas plus que Steve Jobs avant lui, ou Daniel Ek... Ils n'arrivent pas en sachant ce que nous savons. A nous de les éduquer."
Benoit Zante