Qui ?
Nikesh Arora, vice-président senior et chief business officer à Google, Frazer Hurrell, Creative Technologist chez Microsoft Advertising et Yasuharu Sasaki, Senior Creative Director de Dentsu (en photo).
Quoi ?
Aux Cannes Lions 2014, les géants du web étaient plus que jamais les rois de la Croisette, où ils présentaient leurs visions du futur. Mais cette année, des agences, comme Dentsu, sont bien décidées à ne pas leur laisser la mainmise sur le terrain de l'innovation.
Comment ?
Pour Nikesh Arora, Google n'a encore fait que 5% du travail autour de la recherche d'information. Le clip qu'il présente montre tout le chemin qui reste encore à parcourir : Google imagine un futur où le mobile ou les lunettes connectées sont capables de répondre à toute demande, via la voix, en combinant géolocalisation, contextualisation et personnalisation. Le "supercalifragilisticexpidelilicieux" du XXIe siècle s'appelle désormais "OK Google". Cette simple phrase déclenche la recherche et les pages de résultats disparaissent, au profit d'un résultat unique ou d'un flux visuel.
"OK Google. Comment s'appelle cette église ?" (en pointant son téléphone vers le bâtiment ), "OK Google. Combien mesure cette tour ?", "OK Google. Comment aller au meilleur restaurant du coin ?", "OK Google. Montres-moi les photos des chambres de cet hôtel", et ainsi de suite. Prochaine étape : le projet Iris, des lentilles connectées...
Pour éviter toute critique sur cette vision digne de Big Brother, le reste de la présentation fait le plein de bons sentiments : on voit comment Google Maps a permis à un enfant adopté en Australie de retrouver ses vrais parents en Inde, comment Google Glass permet à une ado en fauteuil roulant de partir camper avec ses amis ou encore comment la voiture sans chauffeur permet aux aveugles de conquérir leur indépendance. Nikesh Arora se paye même le luxe de s'approprier le succès de Whatsapp, racheté par Facebook, expliquant que c'est grâce à des plateformes ouvertes comme celles de Google que des applications peuvent toucher autant de gens.
Chez Microsoft, on s'intéresse aussi à la recherche. Dans le Beach Club de la marque, une salle "secrète" permet de tester la recherche visuelle du futur : sur un mur interactif qui réagit (plus ou moins bien) aux gestes et à la voix, via Kinect, "Scout", une gamine perdue dans la forêt se propose de vous trouver des photos correspondant à votre recherche. Sur le mur, des photos de "Cannes", format polaroid se retrouvent donc épinglées à un arbre. C'est beau, "cool", et apparemment, c'est une prouesse technique. Mais tout cela reste très gadget.
C'est dans la salle adjacente que Microsoft révèle sa vraie vision. Avec son nouvel OS mobile, les Windows Phones ont désormais un équivalent de Siri et de Google Now. Il s'agit d'une femme, Cortana, et son développement s'est appuyé sur des dizaines d'interview avec des assistant(e)s de stars et de patrons. Elle connait votre agenda, accède à vos mails et sait où vous êtes. Elle peut vous prévenir à l'avance de bouchons sur la route, filtrer vos appels ou raconter des blagues. Pour l'instant, Cortana ne parle que l'anglais américain, mais elle devrait arriver en Chine et en Grande-Bretagne au second semestre 2014. Les Français devront attendre 2015, au moins.
https://www.youtube.com/watch?v=nX9P6skzZNU
Si les assistants personnels d'Apple et de Google n'ont pas - encore - d'implications publicitaires, Cortana pourrait servir bientôt de point central entre tous les éléments de l'écosystème Microsoft (Skype, MSN, Xbox, Windows Phone).
Dans un case study conçu avec Emirates, le téléphone sait que sa propriétaire (Gaby) s'apprête à voler sur Emirates, grâce à l'analyse des emails. Cortana lui propose donc à l'avance de consulter la carte des boissons du bar de l'avion et la prévient en cas de retard. Pendant son vol, les amis de Gaby qui cherchent à la joindre tombent sur son répondeur, mais Cortana leur explique que Gaby est en vol et qu'elle atterrit dans quelques heures. A son arrivée à l'aéroport, Cortana indique à Gaby le chemin pour arriver à son taxi et pendant le trajet, lui propose un surclassement dans son hôtel - puisque Cortana sait aussi où Gaby va dormir. Dans un autre exemple (voir ci-dessous), Ford utilise Cortana pour offrir du wifi et des jeux aux voyageurs dont les trains sont en retard. Ambition affichée : faire en sorte que la technologie disparaisse "mais sans se déconnecter".
Dentsu, de son coté, a voulu montrer qu'elle n'entendait pas laisser les géants du web seuls sur le terrain de l'innovation, avec une présentation ("The Augmented Human") qui détonne dans le paysage cannois. Pourquoi parler technologie quand on est une agence de pub ? "Notre monde et notre métier sont en train de changer, nous ne pouvons plus rester dans notre zone de confort qu'est la publicité" explique Yasuharu Sasaki.
Son t-shirt "augmenté" qui permet "de transformer chaque individu en réseau social" fait sourire la salle, mais son "portefeuille qui se met à pleurer quand on dépense trop" laisse dubitatif. Son idée : "la technologie doit être au service de l'humain, pour permettre une vie plus excitante et heureuse. Elle ne doit pas seulement servir l'efficacité, mais émouvoir."
Il est ensuite rejoint sur scène par le Professeur Jun Rekimoto, du Sony Computer Science Lab, qui faisait de la réalité augmentée dès 1994... Celui-ci présente un casque équipé de caméras à 360°, qui pourrait révolutionner le sport à la télévision. La version "trampoline augmentée" donne un peu le tournis... Les équipes de Dentsu on aussi essayé de réinventer l'escrime, un sport peu télégénique, en intégrant des éléments inspirés des jeux vidéos.
"Fencing 2020" a été conçu par la Lab de Dentsu à Tokyo, en collaboration avec le champion olympique Yuki Ota. Une démarche futuriste ? Pas seulement : en utilisant la data-visualisation et un système complexe de haut-parleurs et de LEDs, Dentsu a pu reconstituer la course mythique d'Ayrton Senna durant le Grand Prix du Japon en 1989. Une campagne récompensée par un Grand Prix Titanium.
http://youtu.be/oeO2q8FzcnM
Benoit Zante