Qui ?
Marcel Fenez, Global Entertainment leader de Pwc, à l'origine du Global Entertainment and Media Outlook 2013-2017, publié en juin 2013.
Quoi ?
La vision du géant du consulting sur le futur du marketing, des médias et du marché publicitaire.
Comment ?
Quelles sont les transformations du paysage médiatique les plus importantes ces dernières années ?
- Il y a encore deux ans, on raisonnait en médias traditionnels et digitaux. Aujourd'hui, vous avez un consommateur, le même, qui choisit d'interagir indifféremment avec tel ou tel support, numérique ou non. Il n'y a plus de marketing digital, mais du marketing dans un monde digital. Reste à comprendre comment les gens utilisent leur mobile et interagissent avec les autres écrans. Pour cela, il faut revenir aux basiques, simplifier les choses.
Qu'est-ce que cela implique pour les professionnels du marketing et des médias ?
- Le principal défi est de tirer partie de la fragmentation de l'audience, de passer du mass media au "my media". Cela passe par des choses simples, comme la compréhension des usages propres à chaque terminal dans la journée. Avec mon smartphone, en mobilité, je n'attends pas la même forme de contenus que chez moi, allongé sur mon lit devant ma tablette, par exemple. Pour comprendre ces comportements, les médias et annonceurs ont accès à des masses de data. Mais il faut qu'ils apprennent à faire le tri. La big data c'est bien, mais le small data, c'est mieux.
Comment collecter et exploiter ces informations alors que les consommateurs/citoyens sont de plus en plus méfiants ?
- La clé, c'est de construire une relation qui permet de récolter les informations pertinentes pour vous. Si vous souhaitez telle information sur votre consommateur, il doit y avoir un échange, une contrepartie. Avoir de meilleures publicités peut être une monnaie d'échange. Tout comme une réduction, une meilleure expérience utilisateur, un contenu... Les consommateurs réalisent qu'ils ont un certain pouvoir et attendent quelque chose en retour. De manière générale, le contenu est un bon hameçon. Les contenus professionnels sont très importants : ils permettent de fidéliser un public, qui va naturellement là où il y a du bon contenu. Le phénomène de l'UGC est important, mais il ne va pas tout submerger. Les gens veulent des marques, ont de fortes exigences de qualité.
Face à ces changements, comment les entreprises traditionnelles peuvent-elles s'adapter ?
- Ce n'est pas si difficile. C'est une transition plus qu'une révolution. Les grandes entreprises ont conscience de la nécessité de s'adapter, mais ce sont de grosses machines. Cette évolution fait peur, car dans toute réorganisation, il y a toujours la crainte de casser la machine.
Quelles grandes évolutions prévoyez-vous sur le marché publicitaire ?
- La publicité sur internet va être le secteur le plus dynamique dans le monde, avec 13,1% de croissance annuelle sur la période 2013-2017. Vient ensuite la publicité dans les jeux vidéos, à 11,9%, mais elle part de très loin. La pub télé progressera aussi , à 5,3%. La croissance sera beaucoup plus faible dans le print. Pour la presse magazine, le secteur est porté par les tablettes mais souffre de la crise. La radio n'est pas morte et va continuer à se développer, notamment dans les pays en développement. C'est mécanique, elle suit la croissance du marché automobile. On parle de la mobilité comme si c'était nouveau mais la radio a toujours été mobile. D'ailleurs, nous prévoyons que le mobile représentera moins de 5% du marché global de la publicité en 2017. Enfin, l'outdoor innove, en combinant la mobilité et la localisation, notamment grâce au NFC et à l'affichage dynamique.
Plus spécifiquement, quelle est votre vision du marché français ?
- Par beaucoup d'aspects, la France est un pays comme les autres. Les Français sont inquiets pour leur vie privée, ils consomment des contenus over the top (VOD, Youtube...), ils sont attentifs à leur budget. Une spécificité : la diaspora française dans le monde, en pleine expansion, n'est pas encore bien prise en considération. Il n'y a pas d'offre spécifique, à l'image d'iRoko, qui cible les Africains et qui a plus de clients à Londres qu'à Lagos.
Concernant les perspectives économiques pour l'Europe, il faut faire évoluer notre mode de pensée : nous avons toujours eu l'habitude des fluctuations, de l'alternance de période de crises et de croissance. Mais regardez au Japon : cela fait près de 7 ans que la croissance est plate et je pense que nous devons nous habituer à cette "flat growth". C'est la nouvelle norme pour l'Europe.
Propos recueillis par Benoit Zante