Qui ?
Sébastien Thomas, responsable des achats programmatiques chez Air France.
Quoi ?
L'un des premiers exemples d'annonceurs français ayant totalement internalisé son achat média en programmatique, présenté à la conférence ATS Paris.
Comment ?
La création du pôle d'expertise "Acquisition Digitale" au sein d'Air France remonte à 2011. Le temps de gagner en maturité sur ces sujets, le groupe décide de mener un appel d'offre en juillet 2013. "Nous avons alors estimé que nous avions les ressources nécessaires en interne pour opérer directement les campagnes à la performance" se souvient Sébastien Thomas. AppNexus, pour le DSP et Makazi, pour le trading desk, sont finalement retenus, avec comme objectif le transfert progressif des compétences en interne. "Internaliser tout seul un trading desk, c'est utopique. Il faut se faire accompagner" explique-t-il. Les formations débutent donc à l'automne 2013, jusqu'à l'autonomisation totales des équipes en juillet 2014.
Désormais, les campagnes sont donc opérées par les équipes d'Air France, à Paris, pour 170 pays, directement dans AppNexus. Le dispositif est complété par un outil de création dynamique, développé par Makazi. Le trading desk joue aussi un rôle de conseil et d'accompagnement de l'annonceur, car au-delà de l'aspect technologique, le principal défi de l'internalisation semble avant tout humain : "il a fallu trouver des gens compétents en sein de notre organisation pour opérer ces campagnes." Sur ce sujet, Air France a un avantage : ses équipes de "revenue management", dont est issu Sébastien Thomas, qui sont chargées de déterminer les prix des billets grâce au yield management. Au total, trois personnes s'occupent directement des campagnes et quatre autres s'occupent de l'interface avec les différents pays.
Mais pourquoi internaliser ainsi son achat média ? "Nous estimons que nos données ont beaucoup de valeur. Nous reprenons donc le contrôle total sur ces données qui nous appartiennent, pour les activer de la meilleure manière possible, sans avoir à les confier à des tiers." Autre argument, la transparence et la meilleure maîtrise des investissements médias, car "avec un achat impression par impression, nous pouvons allouer nos budgets aux segments les plus performants, de façon extrêmement réactive."
Reste une question : la capacité à suivre l'innovation, sur un marché qui évolue extrêmement rapidement. C'est d'ailleurs le principal argument des agences média, qui, dans une autre session, mettaient en garde les annonceurs contre cette pratique. Makazi a toujours un rôle d'accompagnement et de conseil sur ce sujet. Pour Sébastien Thomas, l'internalisation peut même se révéler un avantage, car "nous pouvons choisir les fonctionnalités à tester, les expérimenter très rapidement et les déployer si elles s'avèrent performantes" .
Moins de six mois après l'internalisation totale des achats programmatiques, il est un peu tôt pour établir un bilan définitif. "Le chiffre d'affaires du site est en croissance, mais il est difficile de donner des chiffres précis. Une des preuves de succès, ce sont aussi les retours des différents pays, qui sont extrêmement satisfaits de la façon dont les campagnes sont gérées et performent."
Aujourd'hui, selon nos sources, Procter&Gamble achète en direct depuis un an en France et partout dans le monde. C'est le projet "Hawkeye", mené avec Audience Science, qui permet à l'annonceur de demander aux régies l'accès à des espaces premium aux meilleurs tarifs. De son côté, Danone réfléchirait à la question. Les acteurs automobile et de l'assurance suivent également le mouvement. Tous doivent-ils emboiter le pas à Air France ? "Il faut avoir une taille critique : avec un budget à investir en acquisition au-delà de plusieurs millions d'euros par an, ça peut valoir le coup d'internaliser" indique Sébastien Thomas. Mais cela reviendrait à installer une agence en interne, critique Laurence Milhau, de GroupM, en coeur avec les autres agences média. Et si c'était justement cela l'objectif ?