Quoi ?
Un point sur le marché du second écran, entre Social TV, compagnonnage et t-commerce.
Pourquoi ?
18 mois ont suffi. Pour le Superbowl 2013, la télévision "à l’ancienne" s’en sortait encore relativement bien. Avec la Coupe du Monde 2014, le second écran a dépassé le stade des early adopters pour être définitivement adopté, par le public, mais aussi par les médias et des marques (comme SFR, lire notre article).
Comment ?
Le second écran version 2014 n'a plus rien à voir avec celui d'hier : exit les start-up, les grands gagnants du second écran se nomment Facebook ou Twitter. Quant aux chaînes, elles tirent leur épingle du jeu grâce à l'accès à des contenus exclusifs et à l'interactivité. Revue de détail des gagnants et des perdants du second écran.
1/ Les pure-players du second écran : KO ?
C'est le second écran des origines, peuplé de start-ups aux destins plus ou moins glorieux. Yahoo ! a ainsi fermé Intonow (un équivalent de Shazam dédié spécifiquement à la télévision), trois ans après son rachat. GetGlu, l'un des pionniers du genre, avec ses check-in et son système de badges à la Foursquare, a fusionné avec un concurrent et s'est renommé TVtag. Miso, application dans laquelle Google Venture et Hearst avaient investi, s'est fait racheter par un concurrent, Dijit, lui-même avalé par Viggle début 2014. En Grande-Bretagne, Zeebox, l'un des réseaux sociaux liés à la télévision le plus visible dans les médias, a déjà subi un rebranding pour devenir Beamly en avril 2014 "pour échapper à son image geek". En France, TV Check, lancé par Orange en 2011 et basé sur la reconnaissance d'image, est aujourd'hui en sommeil. Exotique : sur son site officiel, le lien vers le compte Twitter renvoie vers un illustre inconnu, qui tweete en Russe. Parmi les nouveaux entrants du second écran, les seuls gagnants se retrouvent en BtoB : ce sont les spécialistes des analytics, comme BlueFinLabs et Mesagraph, tous deux rachetés par Twitter, ou encore le canadien Seevibes.
2/ Les applications officielles, vrais gagnantes, grâce au contenu
Développées par émission ou par chaîne, nombre d’applications ont été créées expressément pour le second écran, en prolongement direct des contenus télévisuels. TF1 a ainsi lancé Connect sur sa plateforme MyTF1, pour que les téléspectateurs puissent interagir directement avec la chaîne et obtenir des informations supplémentaires sur le programme qu’ils suivent. Sur le second écran, la chaîne met particulièrement l'accent sur l'enrichissement éditorial autour du sport, de l'information et de ses programmes phares comme Secret Story ou The Voice (lire notre article). Chez France Télévisions, pas d'application second écran spécifique, mais un portail, Nouvelles Ecritures, qui rassemble webdocumentaires, applications, et même des projets entièrement transmédia, à l’instar de Jeux d’Influences. Le service public propose aussi de l'information enrichie sur le second écran, via l'application FranceTVinfo. Chez M6, l'écosystème 6Play (plus de 13 millions de téléchargements) fédère les contenus du groupe (M6, W9 et 6ter) et propose de plus en plus d'interaction avec l'antenne, grâce à une technologie de watermarking audio. Pour Rising Star (lire notre article), les spectateurs influent même en temps réel sur le destin des candidats. Aux Etats-Unis, le show quotidien "106&Park" intègre déjà cette dimension interactive depuis plusieurs années (lire notre article). Le second écran s'oriente de plus en plus vers l'interactivité, avec l'apparition de formats d'émissions conçus autour de lui.
3/ La Social TV, chasse gardée de Twitter et Facebook
La "conversation du lendemain" est un phénomène bien connu des sociologues. Internet amplifie cette conversation dans le temps et l'espace. L’Observatoire des SmartTV estime que certains programmes TV peuvent effectivement être commentés jusqu'à deux jours après leur diffusion. Twitter règne sur les réactions à chaud, quand Facebook permettrait de s’exprimer de manière plus détaillée, alors que les chaînes semblent avoir renoncé à tenter de rapatrier ces conversations sur leurs plateformes. Que ce soit Twitter ou Facebook, chacun se revendique leader de la "Social TV" : Twitter a le mérite d'être public, donc facile à mesurer, alors que la plupart des conversations sur Facebook sont privées. Pour la Coupe du Monde, Facebook générait 57% des interactions sur le sujet en France, loin devant Twitter, selon un calcul mené par Havas. Pour donner plus de visibilité aux conversations, Facebook tente d'imposer les hashtags sur sa plateforme, avec un succès mitigé. A l'écran, la plupart des émissions font le choix de Twitter comme canal de conversation et d'interaction et la diffusion des tweets à l'antenne est devenu courant.
4/ L'avenir du second écran : le t-commerce ?
Avec un marché publicitaire morose, faire le lien entre la télé et l'e-commerce sera-t-il le nouveau Graal des chaînes ? TF1 occupe une position forte dans le domaine avec sa filiale Téléshopping : celle-ci a d'ailleurs annoncé en juin dernier le lancement d'une application de TV-Commerce, directement sur l'écran des téléviseurs connectés, pour acheter les produits présentés en un clic de télécommande. A quand le même service sur mobiles et tablettes ? M6, de son côté, a expérimenté le T-commerce en 2013 avec "Le Meilleur Pâtissier", en permettant aux téléspectateurs d'acheter les ustensiles de l'émissions depuis leur application. Avec Rising Star, la chaîne s'est associée aux 3Suisses pour proposer d'acheter les looks des candidats (lire notre article). Sur ce créneau, des start-up tentent aussi de se faire une place, à l'image du projet "You Can Have It", issu des start-up "made in ESCP Europe". Twitter, avec son bouton "buy" et ses partenariats avec des acteurs du e-commerce (lire notre article) pourrait aussi tirer son épingle du jeu, alors que Facebook expérimente la synchronisation automatique entre ses publicités et la télévision, via le microphone des smartphones (lire notre article). De quoi reproduire la même bataille entre start-up, chaines de télé et réseaux sociaux que dans la social TV ?
Mathilde Saliou