Qui ?
Cédric Ledoux, planneur stratégique de l'agence Rapp.
Quoi ?
A l'occasion des dix ans de Facebook - dont sept à filer le parfait amour avec les marques - trois pistes pour tirer partie des évolutions de la plateforme, désormais un mass média où rien n'est gratuit.
Comment ?
L'actualité de Facebook ses derniers mois a été particulièrement riche : levée de bouclier des annonceurs et agences qui ont de plus en plus de mal à toucher leurs fans (lire notre article), étude de l'université de Princeton lui prédisant un avenir à la MySpace (vite contestée par Facebook), class action aux Etats-Unis contre les "sponsored stories"... Est-ce la fin d'une histoire ? Les marques doivent-elles quitter le navire avant qu'il ne coule ? Cédric Ledoux tient à calmer le jeu : "il va rester une part importante du mix digital des marques : c'est la première plateforme pour toucher aussi bien les teenagers que leurs parents. Facebook ne va pas disparaître demain." Reste une certitude : 2014 marque la fin d'une époque où les intérêts des marques et de la plateforme convergeaient.
Petit retour en arrière :
- En 2007, Facebook et les marques étaient sur la même longueur d'onde : le site voulait s'imposer comme la référence du social media et les annonceurs cherchaient à investir ce nouveau terrain. "A cette époque, Facebook était très généreux avec les marques, leurs posts avaient plus 50% de portée organique, il n'y avait pas encore de publicité."
- En 2010, le reach organique commence à chûter, tombant autour de 20% à 30%. Facebook permet aux marques de parler aux non-fans, avec les premières Facebook Ads et le réseau étend son influence au-delà de son site, avec Facebook Connect.
- En 2012, le reach est tombé à moins de 20%. Arrivent les sponsored posts et les sponsored stories, qui permettent de donner davantage d'écho aux publications des pages.
"En quelques années, le modèle a considérablement changé. Aujourd'hui, le doute est définitivement tombé : on est passé en un an de 16% de reach à 8%, avec de grandes disparités selon les types de publication." Et le mouvement ne fait que commencer. Dans un récent document destiné à ses partenaires qu'AdAge s'est procuré, Facebook explique que la distribution organique des posts va décliner graduellement à travers le temps ("we expect organic distribution of an individual page's posts to gradually decline over time, as we continually work to make sure people have a meaningful experience on the site.") et invite ses annonceurs à payer pour maximiser la visibilité des messages. "D'ici à la fin 2014, le reach organique devrait tourner autour de 2-3% pour les pages importantes" prédit ainsi Cédric Ledoux.
Pour les marques, c'est un changement de paradigme : "elles doivent abandonner l'idée d'avoir une communauté sur Facebook et utiliser leurs fans pour booster leurs investissements média." Ce n'est donc pas la fin des fans : un post qui aura généré beaucoup "d'activité sociale" sera en effet moins coûteux à promouvoir ensuite. Mais les notions de "viral", d'"organique" ou de communauté disparaissent petit à petit de la plateforme. "Facebook n'est pas "cool", ni "un phénomène de niche" expliquait Mark Zuckerberg en septembre 2013. Comprendre : c'est un média de masse.
Conséquence : Facebook muscle son offre publicitaire et ses outils. Le nouveau newsfeed, en cours de déploiement dans le monde, se veut ainsi plus visuel, ouvrant la voie à l'intégration de vidéo en autoplay (comme celles de la plateforme Vine) et dans un futur proche, à la pub vidéo. Le ciblage et le retargeting sont devenus de plus en plus simples à utiliser, avec des outils tels que les "custom audiences". De nouveaux call-to-action commencent à être testés sur les posts sponsorisés, et notamment " "shop it now". Enfin, les tout nouveaux "trending topics" pourraient donner naissance à des topics sponsorisés à la Twitter. Dans le même temps, Facebook renforce aussi ses outils de mesure, notamment sur l'efficacité de ses publicités sur les ventes offline.
Pour les marques, Rapp propose trois stratégies :
- entrer dans le rang, en utilisant la puissance, la capacité de ciblage et les outils de mesure de la plateforme, pour l'envisager comme un média. Cela signifie donc mettre Facebook et son efficacité en balance avec les autres éléments du mix digital, Google en tête. Cédric Ledoux calcule que pour une page de 200 000 fans, avec une moyenne de 15 posts par mois, le budget à prévoir pour que chaque contenu soit visible de tous les fans est aux alentours de 50 000€/an.
- être plus malin, en pensant "one-to-few" plutôt que "one to many". Il est notamment possible de qualifier ses fans et de les segmenter, pour adapter le plan média et le calendrier éditorial. Exemple : Nivea pourrait choisir de ne se concentrer que sur les jeunes mamans parmi ses fans, grâce aux outils de ciblage proposés. Autres pistes : connecter base CRM de l'annonceur et base Facebook ou identifier et activer uniquement les "Key Interacting Fans".
- revenir aux fondamentaux de Facebook, la recommandation des pairs. "A l'origine, la mission de Facebook était de connecter les gens autour de leurs intérêt, une vision qui s'est perdue avec ce nouveau modèle média." Pour retrouver cette dimension de recommandation, les marques et les agences doivent penser Open Graph, à l'image de Nike, qui, avec Nike + a réussi faire en sorte que les gens parle de lui sans passer par une page ou une publicité. "Pour cela, il faut penser contenu plutôt que canal" conclue Cédric Ledoux.
Benoit Zante