Qui ?
Benedikt Lehnert (en photo), Chief Design Officer de Wunderlist, acquise par Microsoft fin mai, Lucas Von Cranach, CEO de OneFootball et Johannes Reck, CEO de GetYourGuide.
Quoi ?
Trois start-up berlinoises racontent comment devenir des stars internationales grâce au mobile.
Combien ?
- 13 millions de personnes créent leurs "to-do" sur Wunderlist,
- 20 millions de supporters suivent les résultats de leurs clubs de foot sur OneFootball. Les fans se connectent en moyenne 40 fois par mois.
- GetYourGuide propose un éventail de 20 000 activités aux touristes peu inspirés, à réserver en ligne et via l’appli.
Comment ?
Beaucoup d’appelés et peu d’élus parmi les start-up qui tentent de transformer le monde, à Berlin comme ailleurs. Succès et ténacité sont interconnectés chez les champions du mobile allemands, présentés par le spécialiste des analytics, SocialBakers. Ainsi, Lucas Von Cranach a mis 4 ans à convaincre des investisseurs de lui donner des moyens à la hauteur de ses ambitions. En 2008, se rappelle-t-il, "OneFootball a eu la chance inouïe de faire partie des 1000 premières applications sur l’App Store, mais c’était la crise et personne en Allemagne ne prenait le business mobile au sérieux".
Pour susciter l’intérêt des investisseurs, la bonne idée n’a aucun poids. Il faut patiemment construire ses actifs et aligner les preuves de sa crédibilité. Des chiffres, des contenus, une communauté d’utilisateurs, mais aussi des talents et des soutiens prestigieux. Johannes Reck de GetYourGuide répète 4 fois dans sa présentation de trente minutes que Kees Koolen, chairman et ex-CEO de Booking.com, fait partie des investisseurs de son entreprise.
Le succès de ces nouveaux pure-players du mobile tient aussi aux relations de confiance qu’ils nouent avec "les gatekeepers" : les GAFA et les médias sont des leviers de recrutement clé pour les start-up BtoC. Benedikt Lehnert et Lucas Von Cranach tiennent le même discours. "Depuis le lancement de Wunderlist nous n’avons pas dépensé plus de 500 dollars en marketing". Même son de cloche du côté de OneFootball : "nous avons 20 millions d’utilisateurs, pas un seul n'a été acheté". La clé ? Être le chouchou des stores, premier dans sa catégorie et régulièrement sous les feux de la rampe dans les espaces promotionnels.
Tous deux restent vagues sur les liens ou contrats qui les unissent aux GAFA. Aucun contrat avec Apple par exemple, "être un bon partenaire, explique Lucas, c’est surtout jouer le jeu des mises à jour en adoptant les nouveautés de l'OS et en développant des applications pour les nouveaux produits". Pour L'Apple Watch, OneFootball et Wunderlist ont immédiatement réalisé une app. OneFootball soigne aussi ses relations avec Facebook et a lancé en mars 2015 une extension Facebook Messenger appelée Tackl.
Le pré-requis à toute bonne relation avec les gatekeepers est l’attention portée à l’utilisateur et son expérience. Les analytics et le design guident les décisions de développement des produits. Pour faire les bons choix, tout est minutieusement mesuré, du nombre de sessions par jour et à leur durée dans l'application, aux parcours, actions, et notes sur les stores. "Notre approche est centrée sur l'utilisateur, le design a un rôle primordial, explique Benedikt Lehnert, et ce ne sont pas des mots en l’air : chez nous le CDO (Chief Design Officer) siège au comité exécutif".
Pour une start-up qui réussit, les bureaux jouent un rôle important. Ils sont à la fois le support d’une culture d’entreprise balbutiante, la preuve sur les murs de sa créativité et du foisonnement d’activités qui existe. C'est aussi bien sûr un formidable atout pour attirer de jeunes talents quand on n’a pas les arguments et le prestige d’une grande entreprises. Chez OneFootball, les ballons traînent partout dans les couloirs. L’open space est doté d’une cage de but et les salles arborent noms de stade et écharpes de supporters.
Aller à l’international depuis Berlin présente des handicaps perçus aujourd'hui comme des atouts. GetYourGuide est persuadé d’être au bon endroit : "la prochaine start-up dans le monde du voyage sera européenne, prédit Johannes Reck, nous sommes les plus experts sur le marché, nous savons dépasser les différences culturelles et nous sommes taillés pour gérer les différentes langues." Le marché est ici : la vente d’attractions touristiques pèse 100 milliards de dollars, dont 49 milliards en Europe. Tout n’est pas rose pour autant, "être une place de marché digitale, c’est assez simple, en revanche, gérer l’opérationnel est un vrai casse-tête, surtout lorsque le marché est international. Il faut embaucher des gens dans le monde entier pour s’ancrer localement et infuser partout la discipline." Achtung, chez GetYourGuide, pour satisfaire les clients, on gère l'entreprise comme une armée.
Benedikt Lehnert raconte le lancement du Wunderlist en Chine : "Nous avons passé 6 mois à préparer notre entrée sur le marché et Christian (le CEO de Wunderlist) a séjourné à plusieurs reprises en Chine pour observer les usages, recruter un country manager et nouer des relations avec les médias et les gatekeepers locaux. Les détails n'en sont pas : là-bas, l'application s’appelle "La liste merveilleuse et magique" et non Wunderlist comme dans les autres pays. Il fallait à la fois adapter le nom pour qu’il soit prononçable et intégrer la culture chinoise, notamment la manière dont communiquent les applis". Le succès est au rendez-vous : 1,3 millions d'utilisateurs ont été séduits, faisant de la Chine le deuxième plus gros marché de Wunderlist derrière les Etats-Unis.
Monelle Barthélemy